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Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 3.djvu/48

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44. PSICHÉ. sin taillé par les seules mains de la nature, couloit le long d'un rocher une eau argentée et qui par son bruit invitait à un doux sommeil. Psyché ne se pût tenir d’entrer dans la Grotte. Comme elle en visitait les recoins, la clarté, qui a alloit toûjours en diminuant, luy faillit enfin tout à coup. Il y avoit certainement dequoy avoir peur ; mais elle n'en eut pas le loisir. Une voix qui luy estoit familiere l'assura d abord. C’estoit celle de son époux. Il s’approcha d’elle, la fit asseoir sur un siege couvert de mousse, se mit à ses pieds, et, après lui avoir baisé la main, il luy dit en soûpirant : Faut-il que je doive à la beauté d’un ruisseau une si agreable rencontre ? Pourquoy n'est-ce pas l’Amour ? Ah Psiché ! Psiché ! je vois bien que cette passion et vos jeunes ans n’ont encore guere de commerce ensemble. Si vous aimiez, vous chercheriez le silence et la solitude avec plus de soin que vous ne les évitez maintenant. Vous chercheriez les antres sauvages, et vous auriez bien-tost appris que , de tous les lieux où on sacrifie au Dieu des Amans, ceux qui luy plaisent le plus ce sont ceux où on peut luy sacrifier en secret : mais vous n’aymez point.

Que voulez-vous que j’ayme ? repondit Psiché. Un mary, dit-il que vous vous figurerez à vostre mode, et à qui vous donnerez telle sorte de beauté qu’il vous plaira.

Ouy : mais, reprit la Belle, je ne me rencontreray peut-estre pas avec la nature ; car il y a bien de la fantaisie en cela. J’ay ouy dire que non seulement chaque nation avoit son goust, mais chaque personne aussi. Une Amazone se proposeroit un mary dont les graces feroient trembler, un mary ressemblant à Mars ; moy je m'en proposeray un semblable à l’Amour. Une personne melancolique ne manqueroit point de donner à ce mary un air serieux : moy qui suis gaye, je luy en donneray un enjoüé. Enfin je croiray vous faire plaisir en vous attribuant une beauté delicate, et peut-estre vous feray-le tort.