Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 4.djvu/43

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ACTE III


Scène 1

Thrason.


Il faut dire le vray, j’en voulois à Pamphile ;
Et, bien que pour Thaïs un amour plus facile
Estouffast celle-cy presqu’encor au berceau,
Sans mentir, j’ay regret de perdre un tel morceau.
Je ne sçais quel remors tient mon ame occupée ;
Mais encore estre ainsi de mes mains échappée ;
C’est le comble du mal, et souffrir qu’un enfant
Des lacs d’un vieux routier se sauve en triomphant.
Me preservent les Dieux d’une beauté naissante !
Il n’est point de methode en amour si puissante
Qui ne fust inutile à qui s’en picqueroit :
Souvent ces jeunes cœurs sont plus durs qu’on ne croit.
Pour gagner son amour, je ne sçais point de voye ;
C’est un fort à tenir aussi long-temps que Troye.
J’aurois, sans me vanter, depuis qu’elle est chez moy,
Reduit à la raison quatre filles de Roy.
J’eusse pû l’espouser, mais je fuis la contrainte ;
Le seul nom de l’Hymen me fait fremir de crainte ;
Et je ne voudrois pas que mon cœur fust touché
De l’espoir d’un Royaume à Pamphile attaché.
Rien n’est tel, à qui craint une femme importune,
Que de vivre en soldat, et chercher sa fortune.