Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 4.djvu/44

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On se pousse par tout, on risque sans souci,
Et qui n’y gagne rien n’y peut rien perdre aussi.
Mais rarement Thrason se pleint-il d’une Dame :
Jusqu’icy peu d’objet ont regné sur son ame
Sans payer son amour d’une ou d’autre façon.
Phœdrie en pouroit bien avoir quelque leçon ;
Je n’en pense pas plus, n’estant point d’humeur vaine.
Voyons si nostre Agent aura perdu sa peine :
Le voicy qui s’approche.



Scène 2

Thrason, Gnaton.

Thrason

Hé bien, qu’as-tu gagné ?

Gnaton

Que de peine, Seigneur, vous m’avez espargné !
Je vous allois chercher au port et dans la place.

Thrason

Tu me rapportes donc des actions de grace ?

Gnaton

Le faut-il demander ? J’en suis tout en chaleur.

Thrason

Enfin le don luy plaist ?

Gnaton

Enfin le don luy plaist ? Non tant pour la valeur
Que pour venir de vous, c’est là ce qui la touche,
Et ce qu’à tous momens elle a dedans la bouche,
Comme un des plus grands biens qu’elle ait jamais receus :
Vous ririez de l’ouyr triompher là-dessus.

Thrason

Ce qui vient de ma part cause ainsi de la joye ;
J’ay cent fois plus de gré d’un bouquet que j’envoye,