Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 4.djvu/45

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Qu’un autre n’en auroit de quelque don de prix,
Fust-ce mesme un thresor.

Gnaton

Fust-ce mesme un thresor. Vivent les bons esprits !
Il n’est, à bien parler, que maniere à tout faire.
D’un travail de dix ans ce que le sot espere,
L’honneste homme, d’un mot, le luy viendra ravir.

Thrason

Aussi le Roy m’employe, et j’ay sceu le servir
À la guerre, en amour, aupres de ses Maistresse,
Quoy que j’eusse souvent ma part de leurs caresses.

Gnaton

Mais s’il l’apprend aussi ?

Thrason

Mais s’il l’apprend aussi ? Gnaton, soyez discret.
Je ne découvre pas à tous un tel secret.

Gnaton

Tout bas, se tournant.
C’est fait en homme sage. Il l’a dit à cent autres.
Haut.
Le Roy n’agréoit donc autres soins que les vostres ?

Thrason

Que les miens ; et par fois se trouvant dégousté
Du tracas importun qui suit la Royauté,
Comme s’il eust voulu… tu comprens ma pensée ?

Gnaton

Prendre un peu de bon temps, toute affaire laissée.

Thrason

Cela mesme. Aussi-tost il m’envoyoit querir :
Seuls ainsi nous passions les jours à discourir
De cent contes plaisans que je luy sçavois faire ;
Et s’il se presentoit quelque importante affaire,
Apres avoir le tout entre-nous disposé,
Son conseil n’en avoit qu’un reste déguisé ;
Et souvent, malgré tous, ma voix estoit suivie.