Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 4.djvu/65

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Il falloit un Eunuque, et le bon de l’affaire
Est que l’on n’a pas dit tout ce qu’il sçavoit faire

Thaïs

Que peut-il avoir fait ?

Pythie

Que peut-il avoir fait ? Me le demandez-vous ?

Thaïs

Tu fais bien l’innoncente en te mocquant de nous.

Pythie

Je n’en sçais rien au vray ; toutesfois je m’en doute.

Thaïs

Ce sont là des discours si clairs qu’on n’y voit goute.

Pythie

Vostre sœur a tantost (pour ne rien déguiser)
Laissé prendre à Doris sur sa main un baiser.
Sçavez-vous quel baiser ?

Thaïs

Sçavez-vous quel baiser ? Fort froid, je m’imagine.

Pythie

En bonne foy j’ay creu qu’il y prendroit racine :
Ce n’estoit point semblant, car mesme il a sonné.
Si par mon serviteur un tel m’estoit donné,
Je n’en fais point la fine, il me rendroit honteuse.
Enfin, de ce baiser la suitte est fort douteuse.

Thaïs

Tu t’alarmes en vain, c’est marque de respect,
Puis cela vient d’un lieu qui ne m’est point suspect ;
Les baisers de Doris sont baisers sans malice,
Il en faudroit beaucoup pour guerir la jaunisse.

Pythie

Pas tant que vous croyez, ou je n’y connois rien.
Ah ! que n’ay-je entendu leur premier entretien !