Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 5.djvu/108

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Toi qui sais mieux qu’aucun le succès que jadis
Les Pièces de Musique eurent dedans Paris,
Que dis-tu de l’ardeur dont la Cour échauffée
Frondoit en ce tems-là les grands Concerts d’Orphée2,
Les passages d’Atto, et de Leonora3,
Des Machines d’abord le surprenant spectacle
Éblouit le Bourgeois et fit crier miracle ;
Mais la seconde fois il ne s’y pressa plus :
Il aima mieux le Cid, Horace, Heraclius.
Aussi, de ces objets l’ame n’est point émue,
Et même rarement ils contentent la vue.
Quand j’entends le sifflet, je ne trouve jamais
Le changement si prompt que je me le promets.
Souvent au plus beau char, le contre-poids résiste ;
Un Dieu pend à la corde, et crie au Machiniste ;
Un reste de Forêt demeure dans la mer,
Ou la moitié du Ciel au milieu de l’Enfer.
Quand le Théâtre seul ne réussiroit guère,
La Comédie, au moins, me diras-tu, doit plaire.
Les Ballets, les Concerts, se peut-il rien de mieux
Pour contenter l’esprit et réveiller les yeux ?
Ces beautés, néanmoins, toutes trois séparées,
Si tu veux l’avouer, seroient mieux savourées.
Des genres si divers le magnifique amas
Aux règles de chaque art ne s’accommode pas.
Il ne faut point, suivant les préceptes d’Horace,
Qu’un grand nombre d’Acteurs le théâtre embarrasse ;



2. Orfeo e Euridice, opéra italien, représenté en 1647. On en trouve la relation dans l’Extraordinaire de la Gazette du 8 mars.

3. Ainsi dans les Œuvres diverses de 1758. On lit dans le Recueil de Sablier :

Les longs passages d’Atto et de Leonora.

Cette leçon, évidemment défectueuse, est accompagnée de la remarque suivante : « Le vers est ainsi dans deux copies que j’ai. »