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Qu’en sa machine un Dieu vienne tout ajuster4.
Le bon Comédien ne doit jamais chanter.
Le Ballet fut toujours une action muette.
La Voix veut le Théorbe, et non pas la Trompette ;
Et la Viole, propre aux plus tendres amours,
N’a jamais, jusqu’ici, pu se joindre aux Tambours.
Mais en cas de vertus, Louis, qui, par pratique,
Sait que pour en avoir une seule héroïque,
Il faut en avoir mille, et toutes à la fois,
Veut voir si, comme il est le plus puissant des Rois,
En joignant, comme il fait, mille plaisirs de même,
Il en peut avoir un dans le degré suprême.
Comme il porte au-dehors la terreur et l’amour,
Humain dans son armée autant que dans sa Cour
Il veut sur le théâtre, ainsi qu’à la campagne,
La foule qui le suit, l’éclat qui l’accompagne ;
Grand en tout, il veut mettre en tout de la grandeur.
La guerre fait sa joie et sa plus forte ardeur ;
Ses divertissements ressentent tous la guerre :
Ses concerts d’instruments ont le bruit du tonnerre,
Et ses concerts de voix ressemblent aux éclats,
Qu’en un jour de combat font les cris des soldats.
Les danseurs, par leur nombre, éblouissent la vue,
Et le Ballet paroît, exercice, revue,
Jeu de gladiateurs, et tel qu’au champ de Mars,
En leurs jours de triomphe en donnoient les Césars.
Glorieux, tous les ans, de nouvelles conquêtes,
À son peuple il fait part de ses nouvelles fêtes ;
Et son peuple qui l’aime et suit tous ses desirs,
Se conforme à son goût, ne veut que ses plaisirs.
Ce n’est plus la saison de Raymond ni d’Hilaire ;
Il faut vingt clavecins, cent violons pour plaire.
On ne va plus chercher au bord de quelque bois
Des amoureux Bergers la Flûte et le Hautbois.
Le Théorbe charmant, qu’on ne vouloit entendre



4. ————————Nec Deus intersit, nisi dignus vindice nodus

Inciderit ; nec quarta loqui persona laboret.
Inciderit ; nec q(Horat. de Arte poetica, V, 191.)