Ouy, pour vous, dit Cloris, qui passez cinquante ans :
Moy qui n’en ai que vint, je pretens que l’Astrée
Fasse en non cabinet encor quelque sejour ;
Car pour vous decouvrir le fond de ma pensée,
Je me plais aux Livres d’amour.
Cloris eut quelque tort de parler si crûment,
Non que monsieur d’Urfé n’ait fait une œuvre exquise.
Estant petit garcon je lisois son Roman,
Et je le lis encor ayant la barbe grise.
Aussi contre Alizon je faillis d’avoir prise ;
Et soutins haut et clair, qu’Urfé par cy, par là,
De preceptes moraux nous instruit à sa guise.
De quoy, dit Alizon, peut servir tout cela ?
Vous en void-on aller plus souvent l’Eglise ?
Je hals tousles menteurs et pour vous trancher court,
Je ne puis endurer, qu’une femme me dise,
Je me plais aux Livres d’amour.
Alizon dit ces mots avec tant de chaleur,
Que je crus qu’elle estoit en vertus accomplie ;
Mais ses pechez écrits tomberent par malheur :
Elle n’y prit pas garde. Enfin estant sortie,
Nous vîmes que son fait estoit papelardie ;
Trouvant entre autres points dans sa confession :
J’ai lü maitre Louïs[1] mille fois en ma vie ;
Et même quelquefois j’entre en tentation.
Lors que l’Hermite trouve Angelique endormie[2]? :
Revant à tel fatras souvent le long du jour.
Bref, sans considerer censure ny demie,
Je me plais aux Livres d’amour.
Ah ! ah ! dis-je, Alizon ! vous lisez les Romans,
Et vous vuus arrestez l’endroit de l’Hermite !
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