Page:La Fontaine - Contes, Herhan, 1803.djvu/303

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S’entre-disaient en leurs menus devis :
Bon fait troquer, Commère, à ton avis ?
Si nous troquions de valet ? que t’en semble ?
Ce dernier troc, s’il se fit, fut secret.
L’autre d’abord eut un très bon effet.
Le premier mois très bien ils s’en trouvèrent ;
Mais à la fin nos gens se dégoûtèrent.
Compère Etienne, ainsi qu’on peut penser,
Fut le premier des deux à se lasser,
Pleurant Tiennette, il y perdait sans doute
Compère Gille eut regret à sa soulte.
Il ne voulut retroquer toutefois.
Qu’en advint-il ? un jour parmi les bois
Etienne vit toute fine seulette
Près d’un ruisseau sa défunte Tiennette,
Qui par hasard dormait sous la coudrette.
Il s’approcha l’éveillant en sursaut.
Elle du troc ne se souvint pour l’heure ;
Donc 27 le galant sans plus longue demeure
En vint au point. Bref ils firent le saut.
Le conte dit qu’il la trouva meilleure
Qu’au premier jour : pourquoi cela ? pourquoi ?
Belle demande ; en l’amoureuse loi
Pain qu’on dérobe et qu’on mange en cachette
Vaut mieux que pain qu’on cuit ou qu’on achète.
Je m’en rapporte aux plus savants que moi.
Il faut pourtant que la chose soit vraie
Et qu’après tout Hyménée et l’Amour
Ne soient pas gens à cuire en même four ;
Témoin l’ébat qu’on prit sous la coudraie.
On y fit chère ; il ne s’y servit plat
Où maître Amour cuisinier délicat