Page:La Fontaine - Fables, Bernardin-Bechet, 1874.djvu/402

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De l’oiseau qu’Atropos[1] prend pour son interprète.
Dans son tronc caverneux, et miné par le temps,
Logeaient, entre autres habitants,
Force souris sans pieds, toutes rondes de graisse.
L’oiseau les nourrissait parmi des tas de blé,
Et de son bec avait leur troupeau mutilé.
Cet oiseau raisonnait : il faut qu’on le confesse.
En son temps, aux souris le compagnon chassa :
Les premières qu’il prit du logis échappées,
Pour y remédier, le drôle estropia
Tout ce qu’il prit ensuite ; et leurs jambes coupées
Firent qu’il les mangeait à sa commodité,
Aujourd’hui l’une, et demain l’autre.
Tout manger à la fois, l’impossibilité
S’y trouvait, joint aussi le soin de sa santé.
Sa prévoyance allait aussi loin que la nôtre :
Elle allait jusqu’à leur porter
Vivres et grains pour subsister.
Puis, qu’un cartésien s’obstine
À traiter ce hibou de monstre et de machine !
Quel ressort lui pouvait donner
Le conseil de tronquer un peuple mis en mue ?
Si ce n’est pas là raisonner,
La raison m’est chose inconnue.
Voyez que d’arguments il fit :
Quand ce peuple est pris, il s’enfuit ;
Donc il faut le croquer aussitôt qu’on le happe.
Tout ? il est impossible. Et puis pour le besoin
N’en dois-je point garder ? Donc il faut avoir soin
De le nourrir sans qu’il échappe.
Mais comment ? Ôtons-lui les pieds. Or, trouvez-moi
Chose par les humains à sa fin mieux conduite.

  1. L’une des trois Parques.