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Page:La Fontaine - Fables choisies, Barbin 1692, tome 1.djvu/29

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LA VIE


on les menacera de moy comme de la Beſte. Cette raillerie plût au Marchand. Il achepta noſtre Phrygien trois oboles, & dit en riant : Les Dieux ſoient loüez ; je n’ay pas fait grande acquiſition à la verité : auſſi n’ai-je pas débourſé grand argent. Entre-autres denrées, ce Marchand trafiquoit d’eſclaves. Si bien qu’allant à Epheſe pour ſe défaire de ceux qu’il avoit, ce que chacun d’eux devoit porter pour la commodité du voyage, fut départy ſelon leur employ & ſelon leurs forces. Eſope pria que l’on euſt égard à ſa taille ; qu’il eſtoit nouveau venu, & devoit eſtre traité doucement. Tu ne porteras rien, ſi tu veux, luy repattirent ſes Camarades. Eſope ſe picqua d’honneur, & voulut avoir ſa charge comme les autres. On le laiſſa donc choiſir. Il prit le Panier au pain : C’eſtoit le fardeau le plus peſant. Chacun crût qu’il l’avoit fait par beſtiſe : mais dés la diſnée le Panier fut entamé, & le Phrygien déchargé d’autant ; ainſi le ſoir, & de meſme le lendemain ; de façon qu’au bout de deux jours il marchoit à vuide. Le bon ſens & le raiſonnement du perſonnage furent admirez. Quant au Marchand, il ſe défit de tous ſes Eſcla-