Page:La Fontaine - Fables choisies, Barbin 1692, tome 1.djvu/28

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D’ESOPE.


faute qui ne le meritoit pas, Eſope ne put s’empeſcher de le reprendre ; & le menaça que ſes mauvais traitemens ſeroient ſçeus : Zenas pour le prévenir, & pour ſe vanger de luy, alla dire au Maiſtre qu’il eſtoit arrivé un prodige dans ſa maiſon ; que le Phrygien avoit recouvré la parole : mais que le méchant ne s’en ſervoit qu’à blaſphemer, & à médire leur Seigneur. Le Maiſtre le crût, & paſſa bien plus avant ; car il luy donna Eſope, avec liberté d’en faire ce qu’il voudroit. Zenas de rétour aux champs, un Marchand l’alla trouver, & luy demanda ſi pour de l’argent il le vouloit accomoder de quelque Beſte de ſomme. Non pas cela, dit Zenas, je n’en ay pas le pouvoir ; mais je te vendray, ſi tu veux un de nos Eſclaves. Là-deſſus ayant fait venir Eſope, le Marchand dit : Eſt-ce afin de te mocquer que tu me propoſes l’achapt de ce perſonnage ? On le prendroit pour un Outre. Dés que le Marchand eut ainſi parlé, il prit congé d’eux, partie murmurant, partie riant de ce bel objet. Eſope le rappella, & luy dit : Achete-moy hardiment : je ne te ſeray pas inutile. Si tu as des enfans qui crient & qui ſoient méchans, ma mine les fera taire :