Page:La Fontaine - Fables choisies, Barbin 1692, tome 1.djvu/32

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D’ESOPE.

loſophe ſe laſſoit d’elle. De parole en parole le differend s’échauffa, juſques à tel point que la femme demanda ſon bien, & voulut ſe retirer chez ſes parens. Xantus fit tant par ſa patience, & Eſope par ſon eſprit, que les choſes s’accommoderent. On ne parla plus de s’en aller, & peut-eſtre que l’accoutumance effaça à la fin une partie de la laideur du nouvel Eſclave. Je laiſſerai beaucoup de petites choſes où il fit paroiſtre la vivacité de ſon eſprit : car quoi qu’on puiſſe juger par là de ſon caractere, elles ſont de trop peu de conſequence pour en informer la poſterité. Voicy ſeulement un échantillon de ſon bon ſens & de l’ignorance de ſon Maiſtre. Celuy-ci alla chez un Jardinier ſe choiſir luy-meſme une ſalade. Les herbes cueillies, le Jardinier le pria de luy ſatisfaire l’eſprit ſur une difficulté qui regardoit la Philoſophie auſſi-bien que le Jardinage. C’eſt que les herbes qu’il plantoit & qu’il cultivoit avec un grand ſoin, ne profitoient point ; tout au contraire de celles que la terre produiſoit d’elle-meſme, ſans culture ny amendement. Xantus rapporta le tout à la Providence, comme on a coûtume de faire quand on eſt court : Eſope