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LA VIE


ſe mit à rire ; & ayant tiré ſon Maître à part, il luy conſeilla de dire à ce Jardinier qu’il luy avoit fait une réponſe ainſi generale, parce que la queſtion n’eſtoit pas digne de luy ; il le laiſſoit donc avec ſon garçon, qui aſſurément le ſatisferoit. Xantus s’eſtant allé promener d’un autre coſté du Jardin, Eſope compara la terre à une femme, qui ayant des enfans d’un premier mari, en épouſeroit un ſecond qui auroit auſſi des enfans d’une autre femme : Sa nouvelle épouſe ne manqueroit pas de concevoir de l’averſion pour ceux-cy, & leur oſteroit la nourriture, afin que les ſiens en profitaſſen. Il en eſtoit ainſi de la terre, qui n’adoptoit qu’avec peine les productions du travail & de la culture, & qui reſervoit toute ſa tendreſſe & tous ſes bienfaits pour les ſiennes ſeules ; elle étoit maraſtre des unes, & mere paſſionnée des autres. Le Jardinier parut ſi content de cette raiſon, qu’il offrit à Eſope tout ce qui eſtoit dans ſon Jardin. Il arriva quelque temps aprés, un grand differend entre le Philoſophe & ſa femme. Le Philoſophe étant de feſtin mit à part quelques friandiſes ; & dit à Eſope : Va porter cecy à ma bonne Amie. Eſope l’alla donner