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LIVRE I.

Grace à Dieu je paſſe les nuits
Sans chagrin, quoy qu’en ſolitude.
La belle ſe ſceut gré de tous ces ſentimens.
L’âge la fit déchoir ; adieu tous les amans.
Un an ſe paſſe & deux avec inquietude.
Le chagrin vient en ſuite : elle ſent chaque jour
Déloger quelques Ris, quelques jeux, puis l’amour ;
Puis ſes traits choquer & déplaire ;
Puis cent ſortes de fards. Ses ſoins ne pûrent faire
Qu’elle échapât au temps cet inſigne larron :
Les ruines d’une maiſon
Se peuvent reparer ; que n’eſt cet avantage
Pour les ruines du viſage !
Sa precioſité changea lors de langage.
Son miroir luy diſoit, prenez viſte un mari :
Je ne ſçais quel deſir le luy diſoit auſſi ;