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à entretenir. Quant au pays, je ne vous en saurais dire assez de merveilles. Point de ces montagnes pelées qui choquent tant notre cher M. de Maucroix (66) ; mais, de part et d’autre, coteaux les plus agréablement vêtus qui soient dans le monde. Vous m’en entendrez parler plus d’une fois ; mais, en attendant,

Que dirons-nous que fut la Loire (67) Avant que d’être ce qu’elle est ? Car vous savez qu’en son histoire (68) Notre bon Ovide s’en tait. Fut-ce quelque aimable personne, Quelque reine, quelque amazone (69), Quelque Nymphe (70) au cœur de rocher, Qu’aucun amant ne sut toucher ? Ces origines sont communes ; C’est pourquoi n’allons point chercher Les Jupiters et les Neptunes, Ou les dieux Pans qui poursuivaient Toutes les belles (71) qu’ils trouvaient. Laissons là ces métamorphoses, Et disons ici, s’il vous plaît, Que la Loire était ce qu’elle est Dès le commencement des choses.


La Loire est donc une rivière Arrosant un pays favorisé des Cieux, Douce quand il lui plaît, quand il lui plaît si fière Qu’à peine arrête-t-on son cours impérieux. Elle ravagerait mille moissons fertiles, Engloutirait des bourgs, ferait flotter des villes. Détruirait tout en une nuit ; Il ne faudrait qu’une journée Pour lui voir entraîner le fruit De tout le labeur d’une année, Si le long de ses bords n’était une levée Qu’on entretient soigneusement : Dès lors qu’un endroit se dément (72) On le rétablit tout à l’heure (73) ; La moindre brèche n’y demeure Sans qu’on n’y touche incessamment ; Et pour cet entretènement (74), Unique obstacle à tes ravages, Chacun a son département (75), Communautés, bourgs et villages.


Vous croyez bien qu’étant sur ses rivages. Nos gens et moi nous ne manquâmes pas