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Le Bouif errant

philosophe avait pris le parti de demeurer neutre, et criait aussi volontiers « Vive le Roy ! » que « Vive la Révolution ! » sans attacher d’importance aux cavalcades politiques qui défilaient dans Sélakzastyr.

Ainsi le grand-duc Yvan, qui avait usurpé la place de son neveu Ladislas, avait été, depuis cette époque, cinq ou six fois détrôné, puis retrôné, puis condamné comme tyran, puis acclamé comme sauveur de la Patrie. La Police et l’Armée l’avaient tour à tour protégé et poursuivi. Si bien que le grand-duc avait fini par organiser sa vie conformément à ces convulsions politiques. Il se retirait à la campagne quand il fallait abandonner le pouvoir  ; il revenait avec un nouvel uniforme quand la Révolution jugeait opportun de lui laisser reprendre les rênes.

Les cochers du char de l’État se relayaient ainsi à l’amiable et prenaient de petites vacances. Seuls les chevaux et les contribuables continuaient à demeurer dans les brancards. Mais les chevaux du char de l’État ne sont jamais dételés.

Pendant que ces événements s’accomplissaient, l’héritier présomptif du trône de Carinthie achevait au lycée Lakanal ses études universitaires et sportives.

La rente qu’il recevait annuellement lui permettait de mener une vie facile. Il avait pu se perfectionner dans tous les sports coûteux qui font remarquer un jeune fils de famille. Il connaissait tous les boxeurs éminents et tous les as de cinéma. Il avait gagné un match international de tennis. Il menait une Bugatti-deux litres, sur les routes, avec