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Le Bouif errant

lui, autant par satisfaction sensuelle que par le désir apostolique de lui prodiguer, sur l’oreiller, des conseils diplomatiques pleins de sagesse.

La Politique est le violon d’Ingres des filles de joie. Ces dames suivaient donc les événements des Karpathes avec un intérêt qu’elles s’efforçaient vainement de faire partager à Ladislas. Elles s’indignaient de l’indifférence du gigolo découronné qui, malgré leurs exhortations, s’obstinait à ignorer la Carinthie et à lui préférer Paname. Son entêtement à repousser les perspectives grandioses auxquelles sa naissance lui donnait droit, lui avait attiré les sympathies du populaire et du parti Mécano. On l’acclamait comme un poteau opulent, quand il menait son auto en vitesse, bloquant les freins dans les virages et disparaissant au milieu d’un nuage de poussière qui enchantait les connaisseurs. Sa bonne humeur inaltérable, son mépris du pessimisme, sa facilité à trouver le bon côté des choses lui avaient fait donner un surnom : Ça va !

Et c’était la plus grande célébrité du jeune héritier présomptif du trône de Carinthie. Car il n’était guère connu que sous ce surnom. On ignorait Samovaroff. C’était « Ça va ! » qu’on acclamait, le Prince Ça va ! Et ça allait !

Si bien qu’à force d’être popularisé à Paris, Ladislas finit par émouvoir l’opinion publique étrangère et même la Diplomatie, malgré son habitude invétérée de tout ignorer.

Le parti légitimiste de Sélakzastyr était justement fort embarrassé par l’agitation politique que suscitait le décès du grand-duc Yvan, l’usurpateur.