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POÉSIE.

De vos grands enfonceurs j’admire le talent :
Je le voudrais mûri par un travail plus lent.
Trop pressés de courir, ils arrivent moins vite.
Le bruit vole avec eux, le succès les évite :
Et j’entends par succès, celui que fait le temps,
Et non ce grand fracas aux rapides instans,
Qui s’annonce, rugit, passe comme un orage
Grondant sur une mer qui n’a point de rivage.
L’un eût mandé son nom à l’immortalité,
Si devant le grotesque il s’était arrêté.
Mais lui, du pathétique il le dit camarade :
C’est son principe d’art ; et son esprit malade
Mariant le sublime au grotesque, ne fait
Que se montrer souvent grotesque tout-à-fait.
Il veut fondre son siècle, et, trop vain de lui-même,
Il perd un beau talent dans un mauvais système.
Il s’égare et s’obstine : on l’admire et le plaint :
C’est un vase d’orgueil qui déborde trop plein.
L’autre embrase la scène, et, dans sa renommée,
Y roule un feu mêlé de beaucoup de fumée.
L’incendie est rapide, au cours désespéré :
Il éclaire son nom, mais l’art est dévoré…
— Oh ! — plus sévèrement vous vous jugez vous-même :
Vos arrêts seraient-ils dans ma bouche un blasphème !
Car tous vous vous montrez au grand jour divisés,
Et vos dieux sont par vous dépanthéonisés.
À l’outrage envers eux votre orgueil s’abandonne,
Et vous leur refusez l’encens que je leur donne…
Je vois dans Lamartine un poète inspiré,
Mais parfois il s’endort sur le trépied sacré,
Ou s’égare en son vol loin des routes connues,
Plane, errant dans le vide, et se perd dans les nues :
Mais souvent il attache, avec un art puissant,
Aux pages de son livre un charme ravissant.
Je sais, sans mépriser l’antiquité classique,
Rendre hommage au génie anglais ou germanique.
J’admire de Schekspir le génie étonnant ;
Je trouve dans Byron un délire entraînant ;
Schiller à ses héros m’attache et m’intéresse ;
L’auteur de Faust me plaît, non toujours, non sans cesse :
Ces auteurs étrangers sont étranges souvent :
L’éloge sans réserve est faux et décevant.