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POÉSIE.

Mais ne détachons point de leur front la couronne :
On doit la saluer quand l’univers la donne.
Des peuples le génie est le vaste lien :
Qu’en tous temps, en tous lieux, le beau soit trouvé bien !
Sans briser des anciens la gloire et la puissance,
J’applaudis au talent qui fortement s’élance
Dans des sentiers nouveaux, et qui veut à son front
Attacher une palme et non pas un affront.
Casimir, moins timide, aurait pu, sur la scène,
De ses vieux haillons d’or dégager Melpomène :
Mais, trop prudent, l’auteur des Enfans d’Édouard
Demande à la nature un ouvrage de l’art.
Il est pur, mais sans verve : il ose sans audace ;
Il marche, pour se faire une première place,
À pas trop mesurés dans un large chemin,
Et souvent le poignard hésite dans sa main.
Avec plus de bonheur les femmes, en arrière
Loin d’elles ont laissé La Suze et Deshoulière.
Dans un genre nouveau, par elles bien compris,
Elles ont avec goût su remporter le prix :
C’est que, pour elles l’art tout seul est imposture,
Et qu’il leur faut aussi le cœur et la nature.
De l’école moderne, elles font le succès :
Sa gloire tout entière est due à leurs essais ;
Et l’on voit aujourd’hui leur poétique flamme
De la langue des dieux faire la voix de l’âme.
— Les femmes ! La plus haute est madame de Staël :
Mais, près de nos autels, ce n’est qu’un piédestal.
— Écoutez : quand l’auteur de l’ardente Corinne
De nos anciens autels commençait la ruine,
Le chantre d’Atala vous ouvrit le chemin :
Vous avez retiré le sceptre de sa main.
Staël et Châteaubriand sont pour vous des classiques !
Vous avez mis Soumet au rang des hérétiques !
Celui qui les chassa, par un juste retour,
Dans vos rangs, par vous-même, est près d’avoir son tour !
Vous le trouvez déjà resté trop en arrière,
Et le dites tombant dans la classique ornière !
Hugo classique ! ô ciel ! messieurs, y pensez-vous ?
Prenez-vous les Français pour un peuple de fous !
Et pouvons-nous un jour devoir à votre muse
Un monstre plus complet que le Roi qui s’amuse ?