Page:La Gerbe, nouvelles et poésies, tome 2, série 1, 1859.djvu/84

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» Le lendemain de cette nuit fatale, Anina, nous nous embarquions, toi et moi, pour la France.

» Depuis lors, je vis pour toi ; tu es devenue ma fille et ma sœur à la fois ; j’ai juré de remplacer tout ce qui te manque en ce monde, et, jaloux de mon trésor, je n’ai permis à personne de partager mes soins et mon dévouement. Si c’est là une faute, Anina, c’est encore à toi seule que je permettrai de me la reprocher.

» Je n’ai jamais revu Belle et Bonne ; mais je sais qu’elle est heureuse, et j’en bénis Dieu chaque jour ; je n’ai pas revu Betty non plus, mais elle m’écrit parfois pour me demander de tes nouvelles ; elle s’intéresse à ton sort, pauvre enfant ! et se félicite chaque jour de t’avoir arrachée à un danger certain et confiée à moi.

J’étais heureux ! bien heureux, Anina ! tu grandissais en beauté, tu croissais en bonté, en noblesse de cœur, et, quoique forcé de me séparer de toi pour les soins qu’exige ton éducation et les convenances que réclament ton âge, je jouissais avec orgueil de mon ouvrage, je m’applaudissais de mon chef-d’œuvre.

» Une fois encore mon avenir est menacé, le bonheur échappe fatalement à ma destinée.

» Pardonne, Anina, à ce cri égoïste de l’