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VIII

Politique et psychologie


Baptiste, foncièrement honnête homme, n’aurait jamais volontairement causé le moindre tort à qui que ce soit. Antoine également, bien que, de son propre aveu, il fut un peu prompt, et très bête quand il se choquait, quoique toujours sans rancune, ajoutait-il.

Mais la politique, la belle politique, voyez-vous, commençait à échauffer les esprits dans le Trois en l’an de grâce 187…

Voilà d’ailleurs toute la genèse de ce malheureux incident, resté mémorable dans les annales du rang.

Commençons par un peu de psychologie.

Baptiste, dès son adolescence, avait été fortement impressionné par la prospérité et la vie heureuse de son père, surtout quand il y comparait la dure existence au jour le jour, que menaient la plupart des colons. En effet ces derniers dépendaient, du commencement à la fin de l’année, presqu’entièrement des commerçants ; et, pour vivre et faire vivre leurs familles, ils devaient continuellement compter sur le travail salarié ou vendu.

Aussi, profondément enamouré de sa profession, en laquelle il avait une foi inébranlable, Baptiste avait-il toujours rêvé de faire grand, grand, puis d’agrandir toujours son exploitation. Mais il avait oublié que vite et bien ne vont pas toujours ensemble. La longue et pénible crise financière des dernières années, qui chassait par douzaine, vers les États-Unis, les colons qui avaient négligé le travail du sol, avait de plus en plus convaincu Baptiste que le salut et l’avenir de sa famille (qui se faisait nombreuse et qu’il faudrait bientôt songer à établir) résidait seul dans l’agrandissement à outrance de ses champs en culture, et dans l’accroissement du nombre de têtes dans ses troupeaux.