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XVII

Spectacle lamentable


Après s’être réchauffé au poêle à trois ponts et avoir pris une bonne tasse de thé, plus un gros repas de grillades de lard salé, de galettes de sarrasin chaudes et de sirop d’érable, que Madame Pinette avait offerts sur une blanche nappe de toile du pays, le Sauvage, accompagné de Baptiste, procéda à la visite de l’étable.

L’auteur de ce récit original et captivant était, à cette époque, un gamin fourré partout, à preuve qu’il se trouvait là (comme par hasard, bien entendu), quand M. Pinette ouvrit au nord l’unique porte de l’étable pour y faire entrer le Sauvage.

La porte était à peine ouverte qu’un nuage de vapeur aveugla la compagnie ; ce qui n’empêcha pas trois petits Pinette et votre serviteur, alors à peu près du même âge que ces derniers, d’entrer quand même à la suite du grand monde.

À l’intérieur le nuage produit par la vague froide qui venait d’entrer paraissait encore plus épais. On n’y vit goutte d’abord ; en revanche on réalisa tout de suite que ça ne sentait pas bon dans cette étable-là. Puis la vapeur se dissipa, c’est-à-dire se condensa, et, grâce à la clarté blafarde qui pénétrait, du côté nord près de la porte, par quatre petites vitres entièrement couvertes de givre et à peine translucides, je finis par compter onze vaches, tellement maigres que, sans la couche de saletés, humide et durcie, qui leur recouvrait presque tout l’arrière-train, elles eussent été à peu près aussi transparentes que les quatre vitres. Leur dos était aussi couvert de chenilles, que les petits Pinette prenaient plaisir à extraire de leur alvéole en les faisant sauter perpendiculairement en l’air.

Ce sport, pratiqué avec une habileté consommée, était très simple.