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Page:La Grande Revue, Vol 51, 1908.djvu/765

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dans toute la famille pour leur solidité. Et cette vérité, cette réalité, elle les réclamera dans toutes choses, dans la vie, dans l’amour comme dans la religion.

Avançant en âge elle réfléchit longuement, en particulier sur la religion traditionnelle dont elle se détache peu à peu. Elle prend connaissance du théâtre d’Ibsen, cet autre grand défenseur de l’individualisme, de Rousseau, de Montaigne, de Darwin, d’Almquist et d’autres écrivains suédois. Elle devient secrétaire de son père Emil Key, élu à la Chambre des députés et membre influent du parti radical. Navrée d’abandonner la campagne pour Stockholm, elle se console pourtant en suivant des cours, des conférences et en s’occupant déjà d’éducation populaire. Elle partage les opinions de son père qui, d’origine écossaise, , unissait aux aspirations rêveuses et artistiques, à la droiture et à la fierté aristocratique de sa race, un amour sincère pour le peuple, pour les libertés politiques et les réformes sociales. Ellen Key s’était si bien approprié les opinions de son père qu’elle pouvait envoyer à son journal des articles signés de lui, mais rédigés par elle, sans que le rédacteur en chef pût établir une distinction. C’est ainsi qu’elle apprit à concilier en elle l’aristocratie et le libéralisme, l’amour du surhomme et de la démocratie.

La vie d’Ellen Key va se dérouler comme ses premières années pouvaient le faire prévoir. Ses dons si rares de cœur et d’esprit, il faut qu’elle en fasse part aux autres. Elle se consacrera à tous et en particulier à ceux qui sont opprimés. Elle s’efforcera de leur faire connaître une vie plus harmonieuse et plus belle. Elle se fera l’apôtre de l’idéal, de l’évangile nouveau. Mais elle demeurera toujours elle-même, toujours en marge de la vie régulière. Sans grade universitaire, elle enseigne dans des écoles de jeunes filles, dans des écoles de travail. Sans grande puissance oratoire, elle devient conférencière et attire un public toujours plus nombreux. Elle refuse d’adhérer à aucun parti, à aucune coterie. Née épouse et mère de famille, elle refuse de se marier. Faite pour la vie paisible de la campagne, elle est mêlée aux batailles de la vie, écrit des articles, des essais, des livres, fait d’autant plus de conférences qu’elle refuse d’être payée, voyage sans cesse en Russie, en Finlande, en Allemagne, en Angleterre, en France. Enfin lasse de ce surmenage, elle s’est retirée de la vie publique, en pleine gloire, non plus dans la maison de ses