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Page:La Grande Revue, Vol 51, 1908.djvu/767

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atteint son but « lorsque la société aura été vaincue par la splendeur personnelle et morale des individus ».

Telle est, en partie tout au moins, la théorie qu’Ellen Key emprunte aux grands individualistes, à Nietzsche en particulier. Mais elle ne s’en tient pas là. Elle veut nous montrer que de telles conceptions ne sont nullement incompatibles avec l’altruisme.

Tout d’abord il n’est point évident, dit-elle, que ces conceptions mènent à l’égoïsme. Celui qui songe à développer sa personnalité ne dédaigne pas nécessairement celle des autres. Il n’est pas plus égoïste que celui qui, sous le pavillon des lois conventionnelles, ne se soucie que de ses propres affaires. Il se heurterait d’ailleurs bien vite à l’égoïsme des autres qui feraient obstacle au sien. Il n’est pas évident non plus que cet individu, conscient de sa propre valeur, s’efforcera de la développer avec brutalité ou même bestialité. Ce ne serait qu’un abus isolé, dont il serait illicite de tirer une conclusion générale. Enfin, ces individus supérieurs que rêve Ellen Key, sauront que le développement de leur personnalité n’est pas indépendant de l’existence de l’espèce. Ils sauront que le progrès de chacun contribue au progrès de tous, comme la réunion de beaux grains fait une belle grappe de raisins. Ils accepteront même la plupart des lois sociales, en songeant que de la sorte, ils seront protégés contre la violence et pourront consacrer toutes leurs forces à leur développement individuel. Si bien qu’en dernière analyse, le but qu’ils poursuivront, sera beaucoup plus altruiste qu’égoïste et peut se définir ainsi « S’incliner devant l’infini et le mystère, aussi bien sur cette terre que dans l’au-delà, distinguer et choisir les véritables lois morales ; avoir pleinement conscience de la solidarité de tous les humains ; se pénétrer du devoir que nous avons de développer en nous une personnalité riche et forte dans l’intérêt de toute l’humanité ; fixer les yeux sur les grands exemples ; adorer la divinité et la loi dans tout l’univers, dans l’évolution et dans l’esprit humain voilà qui rendra les enfants du nouveau siècle forts, sains et beaux… »

IV

Ce principe posé, Ellen Key en tire des conclusions pour la vie