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Page:La Grande Revue, Vol 51, 1908.djvu/770

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rent. Tandis que les jeunes filles sont astreintes à la pureté, à l’ignorance sur certaines questions, les jeunes gens apprennent à connaître la femme, dans certains milieux que les États tolèrent ou surveillent. Pour la jeune fille, l’amour est chose éthérée ; le jeune homme n’en connaît que le côté sensuel. Un mariage se fait. Par amour ? Combien de mariages sur cent ? Disons plutôt par raison pour ne pas mettre par calcul. S’en suit-il une union ? Un couple tout au plus qu’entraîne le fleuve de la vie dans le lit creusé depuis des siècles. Chacun des époux, ne se sentant point fait pour l’autre, cherche, par ailleurs, des satisfactions humainement légitimes. La prétendue monogamie n’est que la polygamie. N’étant point conscients de leurs devoirs, ces époux acceptent ou non la maternité. Ils ne savent pas élever les enfants, s’ils en ont. Et c’est dans ces demeures que naîtraient les surhommes de la cité future, ou simplement les hommes de demain !

Mais quelles sont les causes de ces mensonges et de ces faiblesses ? La première est le mépris de la personnalité humaine. Vous mariez deux êtres sans connaître leurs affinités, parfois même contre leur gré étonnez-vous ensuite s’ils ne marchent pas de pair ! Vous n’associez pas au hasard deux couleurs et vous traitez de la sorte deux personnes ! Toute faute se paie ici-bas. La souveraine justice naturelle défait l’œuvre de vos mains maladroites et sacrilèges. Deux êtres expient par une vie malheureuse votre coupable intervention.

Une autre cause est l’incertitude sur la question de l’amour même. On hésite entre deux conceptions. Les uns n’envisagent dans l’amour que le côté sensuel et n’y reconnaissent que la satisfaction des sens. Les autres fuient la volupté comme un mal et une souillure, pour n’admettre qu’un rapprochement idéal entre deux âmes. Or, dit Ellen Key, ce sensualisme matérialiste et cet ascétisme chrétien sont deux tendances également fausses. L’amour véritable participe des deux à la fois. Il est un sentiment ardent et profond qu’éprouve un être tout entier, qui le porte vers un autre être, répondant à son tour par un sentiment aussi ardent et aussi profond. Il est l’expression la plus haute de la personnalité, partant aussi divin et sacré que la personnalité même.

Et c’est sur cet amour de l’être entier pour un autre être que