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Page:La Grande Revue, Vol 51, 1908.djvu/769

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féminine. La femme vivait dans une dépendance matérielle et morale. Le temps est venu pour elle de revendiquer ses droits à la vie, à la personnalité. Ellen Key elle-même, par l’exemple de sa propre existence, par sa critique ardente de la plupart des lois actuelles, servait utilement la cause féministe. Mais elle ne liait pas partie jusqu’au bout avec les défenseurs de cette cause. Dans une conférence retentissante, publiée dans la suite sous le titre : Mésusage des forces féminines, elle se séparait des féministes, justement au nom de la personnalité. Il s’agit bien, en effet, de développer celle-ci chez les femmes. Mais qu’est-ce à dire ? Doit-on la développer de la même manière qu’une personnalité masculine ? Aucunement. La nature a créé la femme différente de l’homme. Ce n’est point à égaler ou imiter celui-ci que doit travailler celle-là. Loin d’anéantir ce qui est féminin en elle, la femme doit tendre à sauvegarder, à faire fructifier son trésor le plus précieux. Voilà qui s’appellera vraiment développer la personnalité féminine. Voilà qui condamne les féministes lorsqu’elles revendiquent les mêmes droits et les mêmes obligations que les hommes ; lorsqu’elles rejettent par exemple les lois de protection du travail féminin, qui permettront pourtant à la femme d’accomplir sa fonction essentielle et sacrée : la maternité.

Et c’est ainsi qu’Ellen Key, passionnément convaincue, guidée par des lueurs qui viennent plus du cœur que de l’esprit, refuse, durant toute sa carrière, d’adhérer à aucun parti, se jette même entre les extrêmes, est attaquée de droite et de gauche, mais se soucie moins des nombreux coups reçus, que de dire ce qu’elle croit être une vérité.

V.

Cette voie devait la conduire devant le problème capital pour ses conceptions individualistes : celui des relations de l’homme et de la femme. Elle l’a abordé avec une franchise audacieuse dans son livre : De l’amour et du mariage, qui lui a valu à la fois la plus grande part de sa célébrité et les plus dures critiques.

Ellen Key examine l’institution sociale qu’est actuellement le mariage. Elle la trouve déplorable. Jeunes gens et jeunes filles, appelés à s’unir un jour, mènent une existence séparée. Ils s’igno-