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Mémoires

je dis à ma sœur que j’avois songé de M. de La Guette, et que je croyois le voir ce jour-là sans y manquer. Elle me dit qu’il ne m’en falloit pas flatter, et qu’il n’y avoit nulle apparence ; que pourtant il falloit nous bien divertir ; ce que nous fîmes, car, l’après-dîné, ma nièce de Vibrac, qui étoit fille du capitaine du château, assez jolie, et de plus bonne cavalière, se mit de la partie. Nous prîmes des habits d’homme, elle et moi, et montâmes à cheval toutes bottées, avec M. de Vibrac. Nous fûmes dans le parc lancer quantité de cerfs à la course, pour en avoir le divertissement et chercher de l’appétit pour le soir, où il vint plusieurs momons[1], que je reçus en homme, comme j’étois ; car nous n’avions pas quitté nos habits, ma nièce et moi. C’étoient des gentilshommes du voisinage, qui levèrent tous le masque quand on eut joué. M. de Vibrac fit apporter quelques pâtés de venaison avec des bouteilles de fort bon vin pour les rafraîchir ; ils s’en retournèrent incontinent après, et allèrent faire carème-prenant avec leurs femmes, comme c’est la coutume en France. Une heure après, nous nous mîmes à table et soupâmes de grand appétit ; les viandes étoient fort

  1. Suivant Borel, momon signifie proprement une pelote que portoient en parade ceux qui faisoient les notables mascarades. Furetière explique ainsi ce mot : « Défi d’un coup de dez qu’on fait quand on est déguisé en masque. » Le récit de madame de La Guette semble autoriser cette définition : « Quand on eut joué, etc. » Quoi qu’il en soit, il est clair qu’ici le terme de momons est pris dans un sens un peu plus étendu et qu’il veut dire des hommes masqués.