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Page:La Guette - Mémoires, 1856.djvu/122

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Mémoires

lui dit : « Monsieur, vous allez loger à Sussy ; je vous demande le logis de M. de La Guette. » M. de Grancé répondit : « Vous me faites plaisir. J’étois en peine de savoir où est sa maison pour y envoyer un garde, parce qu’il est de mes amis. Donnez-y donc ordre aussitôt que les maréchaux des logis seront entrés pour cantonner. » Nos paysans, qui avoient toujours fait les fanfarons, se trouvèrent bien surpris quand ils virent monter les cavaliers à l’escalade. Ils jetèrent tous les armes bas et se sauvèrent les uns dans l’église et les autres chez moi. J’eus plus de deux cents femmes et filles réfugiées, et je vis tout incontinent après plus de vingt cavaliers à ma porte qui y frappèrent. Une autre que moi auroit eu frayeur, parce que je savois bien que l’on ne considéroit personne en ce temps-là. Je m’y en allai pourtant gaiement, et je la fis ouvrir. Ils me saluèrent tous du chapeau, et un de la compagnie me dit : « Madame, je suis ici envoyé de la part de M. Tiffon, pour conserver votre logis et pour le faire connoître à ces messieurs qui vont cantonner. » — « Je ne sais point qui est Monsieur Tiffon, lui repartis-je ; mais il m’oblige de si bonne grâce que je m’en souviendrai toute ma vie et l’en remercierai, comme je dois, aussitôt que je le pourrai voir. » Les maréchaux des logis se retirèrent, et je fis entrer mon cavalier. Les gens de guerre enfonçoient toutes les portes et pilloient en bien des endroits ; il y eut même quelques femmes violées qui n’avoient pu se sauver assez vite. Sitôt