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de Mme de La Guette.

que tout le logement fut fait, le capitaine à qui j’avois obligation me vint trouver. Je le reçus tout autant bien qu’il me fut possible et le suppliai de ne point prendre d’autre maison que la mienne. Il ne voulut jamais l’accepter, et me dit qu’il étoit trop serviteur de mon mari pour cela, et qu’il venoit seulement pour savoir si je n’avois point besoin de lui et s’il ne pourroit point me rendre quelque service. Je lui fis connoître que j’avois peur, quoi que cela ne fut pas, et lui dis que je craignois que les cavaliers ne vinssent forcer la nuit ma maison pour la piller. Il me repartit toujours que je n’avois rien à craindre, et que si j’étois dans la moindre appréhension, il viendroit camper à ma porte ; qu’il étoit logé fort près de moi et qu’il m’alloit envoyer son trompette pour l’avertir à toute heure, en cas que j’eusse besoin de lui. Enfin il en usa si honnêtement qu’il ne se peut rien de mieux. Il y eut encore beaucoup d’officiers qui m’envoyèrent faire compliment et qui se disoient tous serviteurs de mon mari, témoignant qu’ils avoient un regret extrême de ce que M. Tiffon les avoit prévenus. Je les remerciai de leur bonne volonté. Le lendemain, mon conservateur me vint faire une visite sérieuse, et je lui fis connoître que les cavaliers faisoient beaucoup de désordre ; que je ne savois pas si on leur permettoit de tuer, piller et violer, et qu’ils avoient fait tout cela en entrant ; que je le suppliois d’en vouloir parler à M. le comte de Grancé, afin que toutes les femmes pussent retourner chez