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Page:La Guette - Mémoires, 1856.djvu/130

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Mémoires

sans rien faire ; et mon père ressentoit toujours des douleurs très-violentes, qui le conduisirent au tombeau quelques mois après. Nous le voyions soigneusement l’un et l’autre pour lui rendre nos services et nos devoirs, dont il témoignoit avoir beaucoup de satisfaction.

Quelque temps après la guerre de Paris[1], l’on ne voyoit que troupes de tous côtés qui alloient à leurs quartiers. Un jour que nous revenions de la promenade, mon mari et moi, nous vîmes accourir beaucoup d’habitants chez nous qui paroissoient tout allarmés. Je leur demandai : « Qu’avez-vous ? » Ils s’adressèrent à mon mari pour lui dire : « Monsieur, il y a des gens de guerre qui veulent forcer une des portes de notre bourg. » Mon mari leur dit : « Courez vite pour savoir quelles gens ce sont, et me le revenez dire. » Il monta à sa chambre en attendant la réponse ; et au même instant j’entends crier : Tue ! tue ! tue ! Je sors dans la rue, et vois beaucoup de cavaliers, le pistolet à la main, et nos habitants qui couroient, comme la foudre, se cacher dans leurs maisons. C’étoient les gardes de M. le Prince qui s’en alloient en Bourgogne à leur quartier, et qui vouloient se venger de l’affront qu’ils avoient reçu dans notre lieu. Comme ils étoient tous fort échauffés, j’en enten-

  1. Quelque temps après la guerre de Paris, mais pendant la prison des princes. Les gardes du prince de Condé furent, en effet, envoyés dans leurs quartiers en Bourgogne après l’arrestation de leur maître. On va voir d’ailleurs, par ce que madame de La Guette dira tout à l’heure du comte de Marsin, que les princes étoient encore prisonniers.