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Mémoires

et de bonnes choses que je m’en souviendrai toute ma vie. Je fus tellement outrée de douleur que je fondois tout en larmes ; car je l’aimois uniquement. Il rendit son esprit à Dieu et mourut en véritable chrétien et catholique, et voulut être enterré dans l’abbaye de Jarsy, où il fit une fondation perpétuelle. Le Père Guéret, supérieur des Minimes de Brie-Comte-Robert, fit son oraison funèbre. Il fit aussi une autre fondation à leur maison et donna encore à beaucoup d’autres églises. Tout le pays assista à ses funérailles ; car il étoit fort aimé et de la noblesse et du peuple. Nous travaillâmes, ma sœur et moi, à l’exécution de son testament, qui fut accompli quinze jours après ; et ensuite nous partageâmes son bien, qui étoit assez grand, sans avoir aucun différend ; car ma sœur étoit une personne fort raisonnable, et moi j’avois beaucoup de déférence pour elle.

Comme j’étois encore dans mes déplaisirs de la mort de mon père, je reçus une lettre de M. le comte de Marsin, par laquelle il me mandoit : « Je ne songe plus à la guerre, madame ; je ne songe qu’à me marier. Souvenez-vous de moi, afin que je puisse faire affaire quand je serai hors d’ici. » Je n’y manquai pas, et m’y employai fortement. Je jetai les yeux sur mademoiselle de Clermont d’Antrague[1], qui étoit la fille de France de la plus belle

  1. Marie de Balzac, deuxième fille de Henri de Balzac, marquis de Clermont d’Entraigues, comte de Graville, baron des Dunes, seigneur de Maizières.