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Mémoires

une fois ; car l’on ne doit jamais quitter le service de son roi, quoi qu’il advienne, ni sous quelque prétexte que ce puisse être. Les Lorrains passèrent en France dans tout ce désordre et vinrent camper au Cheval Griffon[1], à une lieue de chez moi. Ils n’y firent pas long séjour ; car je crois qu’il y eut quelque sorte d’accommodement ; et le roi les obligea à se retirer[2]. Je m’étois réfugiée à Gros-Bois avant leur arrivée. M. le duc de Lorraine y envoya des sauvegardes : un major, nommé Gros-Bois[3], et un cornette, tous deux du régiment

  1. Ou Griffon, au sud-ouest de Villeneuve-Saint-George, entre Crosne et Yères.
  2. L’accommodement eut lieu en effet le 15 juin 1652. Il ne fut pas tout à fait libre de la part du duc de Lorraine, que Turenne menaçoit d’attaquer s’il ne consentoit pas à accepter les propositions du roi. Un des principaux négociateurs du traité fut le roi d’Angleterre, Charles II, alors réfugié en France. Il n’y a pas d’événement de la Fronde qui ait été le sujet de plus de pamphlets. Marigny dit à ce sujet, dans une lettre du 19 juin 1652 : « Le procédé du duc de Lorraine l’a tellement rendu odieux et les Anglois aussy, que ceux de ces nations là ne sont pas plus en seurete que les Mazarins. » Dans une Lettre de madame la duchesse d’Orléans au duc Charles, son frère, etc., un pamphlétaire fait dire à la duchesse : « Je ne vous tiendray pas seulement au rang de simple bâtard. » Le Lorrain, de son côté, ne se laissa émouvoir ni par les reproches des politiques ni par les injures de la multitude. On a, parmi les Mazarinades les plus rares, une Lettre de M. le duc de Lorraine, apportée à Son Altesse royale par M. le comte de Marcheville, où on lit : « Tout ce long discours se réduit à l’effet qu’Estampes est pourvue, vos troupes tirées et mises en seureté, et de plus les troupes de M. le Prince jointes à l’armée. » Cette pièce me paroît parfaitement authentique. C’est bien ainsi que le duc de Lorraine a dû écrire au duc d’Orléans. La lettre est datée de Coulommiers, le 25 juin.
  3. Il y avoit de ce nom, en 1642, un cornette au régiment de