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Page:La Guette - Mémoires, 1856.djvu/145

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de Mme de La Guette.

tre Brie seroit à couvert ; que pourtant ils tiendroient un homme à Lagny pour apprendre leur marche, et qu’ils m’en donneroient avis. Au lieu de l’avis que j’attendois incessamment, je vis plusieurs gens de guerre à ma porte, qui y frappèrent assez ferme. J’y fus moi-même et l’ouvris tout entière. Je leur dis : « Messieurs, que demandez-vous ? » Ils se mirent à jurer et blasphémer horriblement le nom de Dieu ; mais sans m’étonner, je leur dis : « Que cherchez-vous, encore une fois ? — Nous voulons entrer là-dedans, me répondirent-ils. — Ah ! vous voulez entrer là-dedans ! Mort de ma vie ! Je vous en empêcherai bien, et vous trouve bien hardis de venir frapper à ma porte. Retirez-vous seulement et sans bruit. » Comme ils virent ma résolution, ils me demandèrent qui j’étois. Je leur dis tout en colère : « Allez-vous-en informer dans le lieu ; on vous le dira. » Un de la bande, qui paroissoit le plus honnête, mit pied à terre et me dit : « Madame, vous êtes une femme perdue ; car voici l’armée du roi, qui va passer à un quart de lieue d’ici, et tous les picoreurs se jetteront chez vous, sans que vous leur puissiez résister. Comme vous êtes la plus brave et la plus généreuse de toutes les femmes, selon les apparences, nous voulons vous rendre service ; voyez en quoi vous nous voulez employer. » — Comme je vis que c’étoit de bon, je commençai à parler beau, et dis : « Je ne vous connois ni les uns ni les autres ; mais je prie celui d’entre vous qui est le plus connu dans