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Page:La Guette - Mémoires, 1856.djvu/147

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de Mme de La Guette.

de fort près. Voyez où est votre lieu de retraite, afin que je vous y accompagne ; car je vous réponds qu’il ne sera point demain neuf heures du matin qu’ils ne soient ici. Vous ne seriez pas aise de tomber entre leurs mains et de me voir massacrer en votre présence ; vous savez, Madame, qu’ils sont ennemis du roi, et par conséquent les nôtres. Partez donc avec votre petite famille, car il n’y a point de temps à perdre. » Je lui dis : « Monsieur, vous m’apprenez là une étrange nouvelle ; mais je ne partirai point que tout ce peuple ici ne soit en lieu de sûreté ; et s’il y a quelqu’un qui doive périr, il faut que ce soit moi ; voilà à quoi je suis résolue. » Il me pressa fort de faire autrement, mais je ne le voulus jamais.

Sur ces entrefaites, il m’arriva trois gardes que M. de Vibrac, capitaine de Gros-Bois, m’avait envoyés pour m’escorter, et me mandoit de tout quitter pour m’en venir au plus vite au château avec mes petits enfants ; que les Lorrains approchoient fort et qu’il n’y avoit point de temps à perdre. Je fus inébranlable ; car j’étois résolue de faire une bonne action. Je renvoyai deux gardes et fis dire à M. de Vibrac que je partirois le lendemain de grand matin. Cependant je fis marcher tout ce peuple, qui étoit en grand nombre, et les fis accompagner par mon Italien et ce garde qui m’étoit resté. Ils n’avoient qu’un fort petit trajet de chemin à faire ; mais ce qui étoit le plus embarrassant, il fallait passer la rivière de Marne dans