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Page:La Guette - Mémoires, 1856.djvu/164

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Mémoires

neur ; car, en ce temps-là, le soldat ne considéroit ni personne ni qualité, et tout le monde ne cherchoit sa sûreté que dans la fuite. Il ne la voulut jamais accepter et me dit que je l’offensois. Je le pressai de toutes façons, mais j’y perdis mon temps. Quand je vis cela, je fus à un coffre prendre une écharpe qui valoit la peine d’être portée, et lui dis en la lui présentant : « J’espère que vous aurez la bonté d’accepter cette petite faveur qui ne signifie rien. Vous ne voudriez pas que je passasse pour une ingrate, et je vous prie que je ne me plaigne pas de vous. » Il la prit en même temps et la mit à son col, me disant : « Madame, tant qu’il y en aura un morceau, je la porterai en votre considération. » Puis il prit congé de moi. C’étoit un garçon très-généreux, dont le frère étoit colonel de cavalerie dans les Lorrains, et lui au service du roi. Aussitôt que les Parisiens eurent reconnu leur faute et qu’ils furent rentrés dans le devoir, le roi leur pardonna généreusement[1]. Il n’y avoit plus que la Guyenne, et principalement les Bordelais, qui faisoient feu des quatre pieds ; et le grand Modérateur de toutes choses se voulut encore servir de moi pour les faire rentrer en eux-mêmes, comme on le verra dans la suite. Les Lorrains ne furent pas plutôt partis de nos quartiers[2], que je m’en

  1. Le roi donna un premier édit d’amnistie le 26 août, un second le 26 septembre, et fit sa rentrée dans Paris le 21 octobre 1652.
  2. Le prince de Condé, qui étoit sorti de la ville le 13 octobre,