fâché que je fasse ce voyage sous votre conduite. » Il me regarda entre les deux yeux et me dit : « Y avez-vous bien songé ? Quoi ! une femme jeune et jolie (il ajouta ce mot, quoiqu’il n’en fût rien), se hasardera à faire deux cents lieues et traverser les armées amies et ennemies sans crainte et sans risque ? Je vous conseille, Madame, de demeurer où vous êtes. Je ne vous dis pas cela pour m’exempter du voyage ; car j’y irai toujours quand vous voudrez ; mais je crains qu’il ne vous arrive accident. » Je lui dis : « Monsieur, le conseil en est pris, il faut partir : et pour cet effet, j’ai envoyé retenir trois places dans le carrosse de Bordeaux. » — « Hé bien, dit-il, partons donc, puisque vous le voulez. Du moins j’aurai la satisfaction de périr auparavant qu’il vous soit fait aucun mal. » — « M. de La Guette vous est fort obligé de vouloir vous hasarder pour lui, repartis-je. » Il ne savoit pas mon dessein et ne l’a point su que longtemps après ; car je suis de ceux qui ne se fient à personne pour les choses de conséquence ; et quoique je ne sois qu’une femme, un secret est fort bien entre mes mains. Il renvoya ses chevaux et retint son valet, qui fut l’unique que nous menâmes.
Nous montâmes en carrosse deux jours après. Le sieur de Sainte-Olive[1] (c’étoit le nom de celui qui
- ↑ La Gazette de France fait mention, à la date du 24 juillet 1638, d’un sieur de Sainte-Olive, qui étoit commissaire de l’artillerie au siège de Saint-Omer, et qui fut blessé et fait prisonnier à la prise du fort de Nieulet par le prince Thomas de Savoie.