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de Mme de La Guette.

m’accompagnoit), fut jusqu’à Orléans sans dire un seul mot et paroissoit fort chagrin. Je me doutai de la maladie, et même je lui en fis la guerre. Je savois qu’il aimoit une personne assez belle dans notre voisinage, et c’est ce qui lui faisoit la dernière peine d’être parti sans lui dire adieu. Il fallut pourtant boire ce calice ; et enfin, Orléans passé, nous commençâmes à parler de toutes choses qui ne signifioient rien ; et insensiblement nous avancions toujours. Notre carrosse nous mena jusqu’à Poitiers, et ne put passer outre, à cause de la guerre, ce qui nous obligea à prendre de méchants chevaux de louage qui nous portèrent jusqu’à Angoulême. Je puis dire que de ma vie je ne fus si fatiguée, car c’étoient les plus chétives haridelles du monde. Le loueur de chevaux n’osa pas nous en donner de meilleurs, nous disant que nous n’irions peut-être pas deux cents pas sans être démontés. Comme nous approchions d’Angoulême, on alloit fermer la porte. Ainsi le sieur de Sainte-Olive fut obligé de piquer ou de pousser sa mazette, car il n’avoit point d’éperons, pour la faire courir de toute sa force, afin d’arriver à temps pour prier celui qui commandoit à la porte d’arrêter un moment, et lui dit qu’il y avoit une dame qui venoit au petit pas malgré elle, ayant une très-méchante monture. J’arrivai enfin plus lasse mille fois que si j’avois couru la poste. J’eus le temps de me délasser, car je séjournai trois ou quatre jours dans la ville, parce qu’on ne pouvoit plus aller sans escorte. Sainte-Olive écrivit