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de Mme de La Guette.

Chavagnac étoit poursuivi à outrance ; car on vouloit ou sa vie ou sa personne. Comme il se sauvoit dans les greniers tout nu en chemise, Mme sa femme[1] le voulut suivre toute nue aussi ; et étant encore sur la montée, on lui tira quatre ou cinq coups de mousqueton qui la tuèrent sur la place et la firent tomber du haut en bas. C’étoit un très-grand dommage, car elle étoit belle, sage et honnête. M. son mari en fut quitte pour être prisonnier de guerre, après la perte qu’il venoit de faire. J’appris tout ce désordre-là quand je fus arrivée à Bordeaux[2].

  1. Elle s’appeloit Charlotte d’Estaing, et elle étoit sa cousine.
  2. Nous compléterons encore ici le récit de madame de La Guette par quelques pages empruntées à des mémoires contemporains. Nous croyons que ces citations ne seront pas trouvées trop longues. Voici d’abord comment s’exprime Balthazar : « Deux mois après, le régiment de Marchin se noircit d’un crime dont la pensée fait horreur. Le marjor Faujan eut intelligence avec Marin (un des généraux du duc de Candale) sous prétexte d’aller voir Maesmir, aussi capitaine dans Marchin, qui commandoit au Mas d’Agenois, avec lequel il fit en sorte qu’il se révolta le premier, feignant d’avoir été surpris par Marin. De là, ce Faujan de nom et d’effet alla à Monségur, où étoient les deux régiments de Montpouillan, avec lesquels il complota si bien que peu de jours après ils se révoltèrent aussi et remirent la place au duc de Candale. Il vint ensuite à Bordeaux et raconta cette nouvelle à Marchin et au prince de Conty comme s’il n’en eût rien su. Marchin le renvoya à Sarlat, lui recommanda d’avoir bien soin de la place. Il ne demanda pas mieux ; et ayant gagné son régiment, il fit commettre l’action la plus inhumaine qui peut monter dans l’esprit des hommes. Il fit couper la gorge au régiment d’Anguien à l’issue du souper que les officiers de l’un et de l’autre corps firent ensemble. Marin Chastelliat et les officiers de ses troupes qui étoient venus avec lui le matin seulement dans le dessein de se rendre maîtres de Sarlat, frémirent de ce carnage, après lequel ce régiment, qui avoit trempé ses