J’attendois toujours mon mari et mon fils à Périgueux, où enfin mon mari arriva, qui me dit, après
mains dans le sang de ses amis, s’en alla au logis de Chavagnac,
qui, à cause de sa goutte, s’étoit mis au lit avec sa femme,
qu’il avoit ci-devant fait venir de l’Auvergne. Il jugea bien au
bruit que l’on fit, qu’il y avoit trahison dans la ville ; mais il
n’en connoissoit pas l’auteur, s’étant assuré de la fidélité de ces
deux régiments. Il sort promptement du lit, voyant que son
logis était assailli de grands coups de mousquets et de pistolets
par les officiers du régiment de Marchin et des principaux habitants
de la ville, qui crioient : Tue Chavagnac ! Il se cacha
dans la maison, en attendant l’événement de sa vie. Sa femme,
se levant en chemise et cherchant aussi quelque lieu où elle
pût être à couvert de cet orage, reçut trois ou quatre coups
de pistolets, dont elle mourut deux jours après. L’on peut croire
que l’on la prit pour son mari. Néanmoins, l’action fut si noire
que toute bonne âme en demeura saisie d’horreur. Chavagnac
alla porter le deuil de sa femme à Agen, où il fut conduit prisonnier
par Marin au duc de Candale, qui le renvoya quelques
jours après à Bordeaux sur sa parole, afin de faciliter son
échange avec Bougy, prisonnier de Balthazar, qui lui fut accordé. »
Histoire de la guerre de Guyenne, page 77.
Le récit de Chavagnac est plus complet à quelques égards ;
mais il faut convenir qu’on y trouve des détails qui semblent
accuser la main sinon d’un romancier, au moins d’un arrangeur.
« Sur ces entrefaites, les officiers du régiment de Marsin
qui étoient en garnison dans Sarlat, où commandoit mon frère,
envoyèrent offrir à M. de Candale de lui livrer une porte de la
ville pour une somme qu’ils demandèrent, pourvu qu’on ne me
confiât pas l’exécution de l’entreprise. Comme elle étoit d’une
grande conséquence pour le roi, M. de Candale, après être
convenu avec ces traîtres, m’envoya un ordre de me rendre auprès
de lui. Je croyois avoir assez bien servi le roi pour ne pas
m’attendre qu’on m’ôtât mon commandement. Je commençois
à m’en plaindre, quand Tracy, qui étoit chez le duc de Candale,
m’emmena chez lui et me conta tout le complot de la garnison
de Sarlat. On peut juger quelle fut mon inquiétude. Je
tremblois que mon pauvre frère et toute sa famille n’y fussent
assassinés, et je ne m’éloignois pas beaucoup de ce qui arriva ;
car comme mon frère, après avoir fait sa ronde, fut se coucher