Page:La Guette - Mémoires, 1856.djvu/193

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
141
de Mme de La Guette.

que mon voyage n’étoit pas sans mystère. Aussi je lui dis tout, et j’appuyai les choses des plus fortes raisons qui me vinrent en l’esprit. Je le trouvai dans de très-beaux et bons sentiments ; et il me dit qu’il en parleroit à M. le prince de Conty, qu’il le porteroit de tout son pouvoir à faire de manière que le roi en auroit satisfaction, et qu’infailliblement M. le Prince n’y seroit point contraire ; que pour cet effet il prendroit la liberté d’écrire à son Altesse une lettre de créance, quand il auroit conféré avec M. son frère ; que mon mari en seroit le porteur, étant le seul à qui il se vouloit fier pour cela. Il le fit entrer où nous étions et lui parla succinctement de l’affaire, se réservant à lui dire toutes choses quand il en seroit temps. Nous nous retirâmes ; et le lendemain je fus au lever de Mme de Marsin, qui me dit que nous verrions Mme la Princesse[1] l’après dîner.

M. de Marsin tenoit grande table et bien servie, et me faisoit toujours l’honneur de me mettre entre Mme sa femme et lui, pour me gratifier davantage ; et comme il savoit que j’aimois le vin blanc, il avoit commandé à un sommelier qu’il eût toujours soin d’en faire apporter au buffet. Il prenoit même quelquefois plaisir à en boire, disant « que l’on me donne de la bouteille de Mme de La Guette. » Quand il mangeoit, la salle étoit toute pleine et d’officiers et de bourgeois.

Deux heures après le repas, Mme de Marsin monta en carrosse. Nous allâmes à l’archevêché, où

  1. Claire-Clémence de Maillé Brézé, princesse de Condé.