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Mémoires

main nous promener à Bacalan, qui est proche de Bordeaux. C’est une maison assez jolie dont le jardin est fort agréable. Le maître du lieu donna la collation à Mme de Marsin dans un cabinet de verdure ; au retour, nous nous promenâmes le long de la Garonne, qui est quelque chose bien agréable. Comme nous fûmes arrivés au logis, Mme de Marsin me présenta un cavalier et me dit : » Voilà un gentilhomme qui vous vient faire la révérence. » Il y en avoit déjà eu plusieurs qui m’avoient fait cet honneur-là. Je ne l’envisageai point d’abord, croyant qu’il m’étoit indifférent ; mais à la fin je reconnus que c’étoit mon fils. Je l’embrassai plusieurs fois, et dis à madame : « Il faut que cela passe, je suis mère. » Je trouvai un grand garçon tout fait. Il y avoit longtemps que je ne l’avois point vu. Je lui dis : « Mon enfant. Dieu t’a conservé. Je le remercie de tout mon cœur de t’avoir déjà garanti. Comment ces messieurs t’ont-ils renvoyé ? » — « Parce qu’ils ne me haïssoient pas, me dit-il ; ils se sont contentés seulement de mes chevaux et de mes hardes, et m’ont donné un petit bidet pour me rapporter ici. »

Nous nous retirâmes dans ma chambre pour nous entretenir à notre aise jusqu’au souper. Quand nous fûmes à table, M. de Marsin me dit : « Hé

    donné bien de la joie ; mais la mort de mon second fils m’a causé beaucoup de déplaisir. Je vous prie sans aucun déguisement de me mander aussi ce qui est de l’état de ma femme et de me dire les sentiments des médecins ; et me les mandez afin que je sache ce que j’en dois espérer. Ôtez-moi, je vous prie, par ce moyen, de l’inquiétude où je suis. »

    Mém. de Lenet. Coll. Michaud.