conseil, qui est une chose très-dangereuse quand des voleurs en viennent-là. J’avois mis pied à terre à l’abord. Ils me dirent de remonter à cheval pour nous mener dans un petit bois qui n’étoit pas fort éloigné, et nous faire perdre la vie ; mais Dieu, qui est tout-puissant, rompit leur misérable dessein ; car dans le même temps, ils aperçurent un cavalier qui s’arrêta tout court et qui crioit : monsieur de La Guette ! Monsieur de La Guette ! sans oser avancer, car il connut bien que nous étions entre les mains des voleurs, et qu’il n’y faisoit pas bon pour lui. Mon mari le reconnut. Il se nommoit M. Jourdain. Ces voleurs voulurent obliger mon mari à le faire venir, afin qu’il pérît avec nous. Monsieur de La Guette ne le voulut pas faire et leur dit : « Faites de moi tout ce que vous voudrez. Je ne suis pas en état de me défendre, mais il ne sera jamais dit que j’aie fait périr mon ami. »
Je regardois toutes ces choses d’un sang’froid et sans aucune émotion. Le plus déterminé d’entre eux monta sur le cheval de mon mari, avec un mousqueton à la main et deux pistolets devant lui, et poursuivit le pauvre M. Jourdain à toute outrance, qui fit fort bien de ne le pas attendre, et donna des deux de toute sa force. Il alla donner l’alarme à Lamone, criant : « Messieurs, à cheval ! à cheval ! voilà qu’on vole et assassine M. et Mme de La Guette à demi-quart de lieue d’ici. » Comme ce misérable voleur vit qu’il avoit manqué son coup, il r’accourut au galop et consulta encore une fois