avec ses camarades ; puis il vint fouiller et vider toutes les poches de mon mari. Les autres me firent descendre de cheval ; et il y en eut un d’entre eux qui voulut s’opposer au vol et couchait ses camarades en joue, disant : « Je ne souffrirai pas que M. de La Guette soit volé là où je serai. » Je vis l’heure que les autres, animés de colère et de rage, alloient faire sauter la cervelle de mon mari. Je me jetai tout d’un coup sur le baudrier de ce cavalier pour le retirer à moi, en lui disant : « Laissez faire vos camarades ; ils en ont besoin, » et dis aux autres : « Allons ! allons ! messieurs, cela devroit déjà être fait ; il y a de quoi vous remonter. » Ils n’avoient point de temps à perdre, vu que M. Jourdain avoit couru donner l’alarme à Lamone ; c’est pourquoi ils se mirent six sur nos trois chevaux, quoiqu’il y eût un porte-manteau sur un, fort rempli de hardes et d’argent. Les deux autres gagnèrent le devant et se sauvèrent dans les troupes du roi. J’eus regret de voir emmener la haquenée que M. de Marsin m’avoit donnée, et aurois été bien aise d’avoir pu la conserver, parce qu’elle étoit aussi bonne qu’on en puisse voir. Nous nous trouvâmes donc à deux cents lieues de Paris, à pied et sans argent, ce qui nous obligea de reprendre le chemin de Lamone au petit pas. Nous rencontrâmes les cavaliers à qui M. Jourdain avoit donné l’alarme, qui accouroient à toute bride pour nous secourir ; et il étoit retourné à Bordeaux pour dire à M. le comte de Marsin comme il nous avoit vus
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Mémoires