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de Mme de La Guette.

entre les mains des voleurs. Aussitôt que ces officiers nous eurent joints, ils déclamèrent furieusement contre ceux qui nous venoient de voler et les vouloient poursuivre ; mais M. de La Guette leur dit : « N’en prenez pas la peine ; ils sont fort bien montés. Ce seroit temps perdu ; et je ne vous aurai aucune obligation si vous faites un seul pas pour cela. » Il dit aussi au neveu de M. de Marche, en riant : « Je vous demande seulement à souper et le couvert. » Quand nous fûmes arrivés au quartier, ce trompette qui, selon les apparences, avoit donné le signal, se présenta devant moi avec plusieurs cavaliers qui plaignoient notre perte. Je leur dis : « Cela n’est rien ; mais pour Monsieur le trompette que voilà, il faut qu’il fasse une cabriole en l’air, car il est de la partie. » Cela lui donna une telle épouvante, qu’il prit la peine de s’enfuir la nuit même. Les officiers nous firent assez bonne chère, et je mangeai avec autant d’appétit que s’il n’en eût rien été. Quant à mon mari, il étoit fort touché de sa perte, à cause du retardement que cela pouvoit apporter à notre affaire. Je dis à mon hôte, en soupant : « Vos compagnies ne sont guère considérables. Messieurs, puisqu’elles ne sont composées que de voleurs et de cavaliers démontés. Ce n’est pas pour se bien défendre. » Ils me répondirent tous d’une voix qu’ils avoient de braves hommes et de bons soldats, qu’assurément ceux qui avoient fait le coup n’étoient point de leurs gens, et que l’action étoit trop lâche. « Et moi je