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Mémoires

billet par lequel il me mandoit de ne point suivre ces messieurs et que j’aurois bientôt de ses nouvelles. Quand ils furent près de marcher, le commandant me vint dire : « Madame, voilà un cheval pour vous porter. » Je lui dis : « Monsieur, je vous en suis fort obligée et vous en remercie ; mon mari me mande que je l’attende ici et que j’aurai de ses nouvelles dans peu. » Là-dessus, il prit congé de moy et se mit à la tête de son régiment pour marcher, et celui de la Marcousse suivoit.

Nous demeurâmes, le maître du logis et moi, tout seuls. C’étoit un homme qui avoit tout perdu par les gens qui venoient de sortir de sa maison, en sorte que j’en avois grande compassion, quoique je fusse à plaindre aussi bien que lui dans l’état où j’étois. Nous nous entretînmes de nos disgrâces assez longtemps. Je lui demandai à faire un tour de jardin, où je trouvai tout en désordre. Je n’y demeurai guère, et nous retournâmes dans notre belle chambre. Il me fit connoître qu’il appréhendoit que les gens du roi ne vinssent pour enlever le quartier et qu’ils ne missent le feu partout, à cause qu’ils tenoient pour Monsieur le Prince. L’heure s’avançoit toujours et mon appétit augmentoit, ce qui m’obligea de lui demander s’il n’avoit point quelque petit morceau de pain, il me dit : « Madame, j’en ai caché en un endroit. Je vas voir si les cavaliers ne l’ont point trouvé. » J’attendois son retour avec impatience ; et il revint avec joie, me disant : « En voilà. » À la vérité, il