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de Mme de La Guette.

étoit un peu dur ; mais l’appétit assaisonne tout. Comme nous étions occupés à faire ce bon repas, nous entendîmes de la cavalerie dans la rue, qui faisoit grand bruit. Ce pauvre homme commença à trembler comme la feuille, et me dit : « Voilà assurément les gens du roi. Nous sommes perdus. » Tout d’un coup, on frappa à sa porte avec une force épouvantable. Il ne savoit à quoi se résoudre ; mais je l’encourageai pour aller l’ouvrir ; et, cependant, je me mis en prière, espérant tout de la bonté de Dieu pour ma conservation. Aussitôt qu’ils furent entrés, ils commencèrent à crier : « Où est Mme de La Guette ? » Je parus dans le même moment et leur dis : « Me voici. De quoi est-il question ? » — « Que vous montiez, madame, tout présentement à cheval, me répondirent-ils. » — « Et par quel ordre ? leur dis-je. » Dans ce même moment, M. Jourdain arriva, qui me dit que mon mari avoit prié ces messieurs de me prendre en passant et de me mener à Libourne ; que ce seroit lui qui me conduiroit chez un des principaux de la ville, qui étoit des amis de M. de La Guette ; que je ne devois rien craindre ; que j’étois en bonne compagnie, et que c’étoit M. le marquis de Boisse[1], petit-fils de M. le maréchal de La Force, M. de la Marcousse et beaucoup d’autres dont j’ai oublié les noms. Je remerciai mon bon hôte de ce qu’il m’avoit mis le

  1. Jacques Nompar de Caumont, marquis de Boesse, petit-fils du marquis de Castelnau. Il fut duc de la Force en 1678 et mourut en 1699.