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Mémoires

pain en la main dans le besoin. Il étoit fort honnête homme et maître de la poste. Je lui souhaitai la paix en le quittant, et grand nombre de courriers pour le dédommager en quelque façon de toutes ses pertes.

M. Jourdain voulut m’aider à monter à cheval ; mais j’eus le pied à l’étrier et fus en selle plus tôt qu’il ne s’en fut aperçu. Quand nous fûmes en chemin, je dis à M. le marquis de Boisse que M. Jourdain avoit raison de dire que je ne devois rien craindre, et que je m’assurois que, quand nous trouverions un parti du roi, quoique fort, il se défendroit courageusement et tous ces autres messieurs aussi ; qu’il étoit d’un sang si illustre que j’étois fortement persuadée que ses ennemis n’auroient jamais l’avantage de lui voir les talons. Il répondit à cela ce qu’un jeune seigneur qui a du cœur doit répondre. J’allois causer tantôt avec l’un, tantôt avec l’autre, et ils prenoient tous un plaisir singulier à me voir résolue comme j’étois. M. Jourdain m’entretint à son tour, me disant qu’il n’avoit jamais eu tant de frayeur que lorsqu’il me vit entre les mains des voleurs ; qu’il n’osa jamais avancer, ni même arrêter à Lamone, craignant qu’on ne lui en fît autant, parce qu’il avoit beaucoup d’argent sur lui, qu’il portoit à un régiment d’Irlandais, et que tout ce qu’il avoit pu faire étoit d’avoir donné l’alarme en passant. Il me dit aussi que mon mari reviendroit me trouver dans peu de jours ; qu’il partiroit avec M. le marquis de Mont-