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Page:La Guette - Mémoires, 1856.djvu/228

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Mémoires

venir à mon secours avec le batelier. Ils me tirèrent tous deux de toutes leurs forces en nageant, et m’entraînèrent, comme ils purent, au bord de l’eau, où je trouvai mes deux filles demi mortes d’appréhension. Quand je songe à cet accident, je ne saurois assez reconnoître la grâce que Dieu me fit de me préserver. Il fallut gagner Melun avec la personne qui m’avoit secourue et madame sa mère ; nous étions tous deux mouillés jusqu’aux os, et l’on nous auroit pu suivre à la piste, car nous dégouttions de tous côtés. Nous avions besoin du grand feu qu’on nous fit, et cette bonne dame s’empressoit plus pour moi que pour son fils unique. Quand nous fûmes un peu réchauffés, je commençai à lui dire qu’après Dieu je lui étois obligée de la vie, et que j’aurois un déplaisir sensible s’il ne se présentoit point d’occasion où je pusse lui faire paroître ma reconnoissance ; que je n’oublierois jamais le bon office qu’il m’avoit rendu ; que je le publierois partout. Il me dit : « Madame, cela n’est rien. Dieu m’a inspiré à faire ce que j’ai fait ; et c’est lui seul que vous devez reconnoître pour votre conservateur. » Ce jeune homme pensa mourir, la nuit suivante, d’une colique effroyable que le grand froid qu’il avoit eu lui avoit causée, ayant été mouillé comme un homme qui s’étoit jeté dans l’eau avec ses habits, et qui avoit encore fait demi-lieue en cet état. Sa pauvre mère étoit au désespoir, le croyant mort, quoique je l’assurasse toujours du contraire pour la consoler. Nous