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Mémoires

pour en douter, et que l’homme qui m’avoit parlé ne venant point de la part de la Cour, il falloit absolument que ce fut de la part d’Espagne ou de M. le Prince lui-même, qui pouvoient être en méfiance les uns des autres.

Je m’en retournai très-satisfaite chez moi ; et ce porteur de lettres ne s’est point présenté devant moi du depuis, n’y ayant point trouvé son compte. Mon mari, qui s’ennuyoit fort chez les étrangers, écrivit à une personne de ses amis qui étoit de qualité et bien en cour, pour supplier le roi de trouver bon qu’il s’en revînt en France, et que Sa Majesté lui fît la grâce de lui donner son amnistie. Cet ami s’y employa fortement et l’obtint de la bonté du roi, à condition que mon mari viendroit à Paris prêter serment de fidélité entre les mains du lieutenant civil, en présence de quelques présidents ; qu’il renonceroit absolument à tous les intérêts de M. le prince de Condé et de tous ceux de son parti ; qu’il ne viendroit point en cour que par un ordre exprès du roi, et qu’il s’en iroit chez lui attendre la volonté de sa Majesté là-dessus. Tout cela fut fait, et je regarde cette amnistie comme une grâce très-particulière du roi envers mon mari.

Nous vivions toujours avec une parfaite amitié et concorde, nous consolant de nos disgrâces, nous en tenant recompensés par le bonheur de nous revoir ensemble. La paix vint ensuite[1]. M. le Prince repassa en France et tous ceux qui l’avoient suivi.

  1. 7 novembre 1659. Les conférences avoient commencé le 13 août. Il y en eut vingt-quatre.